Sociologue à Sorbonne Université, Beate Collet nous a quitté·e·s le 4 Avril 2023. Son parcours de recherche témoigne de son engagement au sein de l’université et de son ouverture à la diversité des mondes sociaux et culturels.
Sociologue du couple et de la famille, Beate Collet a consacré sa carrière à l’étude de la mixité conjugale, tout en développant une approche comparative avec l’Allemagne, son pays de naissance.
Beate Collet est venue en France, à Nantes, pour y réaliser ses études de sociologie. En 1986, elle a obtenu sa maîtrise, puis a poursuivi ses études à Paris à l’EHESS. En 1995, elle obtient son doctorat de sociologie. Sa thèse, intitulée « Citoyenneté et mariage mixte en France et en Allemagne » (sous la direction de Dominique Schnapper), compare la situation des couples mixtes en France et en Allemagne, en menant une approche comparative à partir de la législation de ces pays.
En 1998, Beate Collet est recrutée comme maitresse de conférences à l’Université Lyon 2, au sein de la faculté de sociologie. Recrutement qui a initié une collaboration avec Emmanuelle Santelli durant près d’une quinzaine d’années, à propos de la population des descendant·e·s d’immigrés et de leur choix conjugal. Ensemble elles ont publié l’ouvrage Couples d’ici, parents d’ailleurs (2012). Au sein du Centre Max Weber, elle a également collaboré avec plusieurs collègues, dont une recherche européenne sur les incidences des mobilités géographiques sur l’articulation vie professionnelle et vie privée.
Beate Collet avait poursuivi sa carrière universitaire à Paris-Sorbonne où elle a été nommée en 2007, elle y était devenue professeure des université en 2022, rattachée au GEMASS, dont elle était la directrice adjointe. Elle s’est consacrée à la conceptualisation de la mixité conjugale, en en faisant l’objet de son habilitation à diriger les recherches, soutenue en 2018. Dans son rapport intitulé « La mixité conjugale dans les sociétés démocratiques. Normes et inégalités entre les conjoints », elle a contribué à circonscrire ce qui caractérise les couples mixtes au-delà de leurs configurations culturelles spécifiques et des contextes nationaux et historiques dans lesquels ils s’inscrivent. Ouvrant la réflexion sur les identifications nationales, religieuses, ethnoculturelles, aux rapports entre sexe et aux statuts, son HDR témoigne aussi de l’ambition de sa recherche qui a progressivement intégré la question de la globalisation.
Ses recherches étaient marquées par un fort ancrage empirique, toujours accompagné d’une grande rigueur d’analyse. Son acuité intellectuelle et sa réflexivité permanente en faisaient une chercheuse très appréciée, car ses qualités professionnelles s’accompagnaient de grandes qualités humaines. Elle était également très attachée à la dimension collective de ses engagements, dans lesquels elle s’impliquait sans compter, comme auprès de ses étudiant·e·s.
Ces dernières mois, Beate Collet continuait de se projeter dans plusieurs perspectives de recherche, témoignant d’une curiosité intellectuelle toujours aussi alerte : d’une part sur le mouvement Love is not Tourism, porté par des couples binationaux qui, à la suite de la crise sanitaire et de la fermeture des frontières qu’elle a provoquée, revendiquaient leur droit à s’aimer et se réunir ; d’autre part, auprès des personnes réfugiées qui se marient avec des Allemand·e·s ; enfin elle avait initié avec Clio Chaveneau une enquête à Abu Dhabi sur les couples mixtes, interrogeant de cette façon les changements qu’elle observait lors de ces fréquentes missions d’enseignement à Sorbonne University Abu Dhabi. C’était un axe fort de ses recherches, la mise en évidence de ce que les couples mixtes nous « disent » de nos sociétés et de leurs mutations.
Beate Collet est devenue la référence incontournable, et incontestable, dans le champ de la « sociologie de la mixité », intitulé de l’enseignement qu’elle a dispensé au sein du master « Sociologie contemporaine » de son département.
Parcours personnel et de recherche étaient remarquables et étroitement imbriqués, faits de migrations, de mobilités et de mixités. Ils étaient portés par un même projet politique de société multiculturelle. Grâce à ses recherches et à ses engagements, elle a également œuvré de manière déterminante en tant que chargée de mission lutte contre les discriminations et le racisme au sein de Sorbonne Université. En particulier, elle a organisé le colloque international sur « Les fondements de la discrimination contemporaine. Comment lutter contre les discriminations à l’université ? » en 2021.
Nous sommes très nombreux·ses à ressentir une perte immense et nous prenons à présent conscience à quel point Beate était une très belle personne.
Emmanuelle Santelli