AISLF

Yvonne ROUX (1920-1998)

Témoignage

Monique Hirschhorn

Après chaque réunion du bureau de l’AISLF, nous recevions, accompagnées d’un petit mot gentil, quelques photos, prises par Yvonne : l’un d’entre nous pris par le feu de l’exposé, un petit groupe posant à sa demande, les images gaies d’une soirée animée…

Je ne sais pas prendre des photos, je ne sais pas arrêter le temps, et pourtant ce sont ces photos que je n’ai pas faites, ces photos d’Yvonne que je voudrais donner à voir à Tous ceux qui l’ont connue.

Premier instantané : nous sommes à Rome pour la présentation des Actes d’un colloque « Aux sources de la sociologie française et italienne ». Yvonne a beaucoup contribué à cette publication. Elle a repris tous les textes, les a relus, amendés. Ce n’est pas seulement la secrétaire générale émérite de l’AISLF qui montre là son savoir-faire, c’est aussi la secrétaire de rédaction des Cahiers Internationaux de sociologie, le jeune professeur de philosophie qui, devenue la collaboratrice de Georges Gurvitch relisait, corrigeait les textes denses, mais touffus qu’il lui soumettait. Oserai-je parler de ce moment de complicité féminine en cette fin de journée scientifique ? Soucieuses, de nos apparences, nous allons nous remaquiller. Je lui emprunte son fard à joues, un peu trop rose pour moi. Nous nous regardons dans la glace, nous rions.

Deuxième instantané à Paris, boulevard Saint-Germain dans les locaux du DESS dirigé par Renaud Sainsaulieu. Ce dernier vient d’être élu Président et Yvonne a accepté de l’assister, de mobiliser son expérience à son service. D’un geste qui lui est familier, elle lève le doigt pour demander la parole : « À Hammamet, nous nous étions déjà posé ce problème… » Comme toujours, elle intervient au bon moment, ne parle pas plus longtemps qu’il ne faut. Elle est la mémoire « vive » de notre association, mais aussi un membre actif qui n’hésite pas à participer aux débats.

Troisième instantané : nous arrivons à Évora pour le congrès. Des bagages à la main nous gravissons le bel escalier de marbre qui donne accès à notre hôtel. Christiane Rondi à Yvonne : « Voulez-vous me donner votre sac, il est lourd… » Dans notre petit groupe convivial, chaleureux, Yvonne et Christiane sont les seules à se vouvoyer. Cela donne à leur amitié une qualité rare, précieuse qui n’appartient qu’à elles.

Quatrième instantané à Toulouse, rue du Taur. À la terrasse d’un café, il fait doux en cette fin d’été, je regarde les passants, surprise. C’est Yvonne avec François, l’un de ses fils qui vit en Norvège. « Yvonne Roux, mère de quatre enfants » comme aimait la présenter Georges Gurvitch. Sa petite fille vient poursuivre des études à Toulouse et elle l’aide à s’installer dans cette ville à laquelle elle est doublement attachée. Yvonne a passé son enfance et sa jeunesse dans la région toulousaine.

Hélène, un regard bleu, lumineux, plein de curiosité, un délicieux accent. Hélène dont Yvonne est si fière et qui, avec une belle thèse d’anthropologie sur les quartiers de Toulouse renoue avec les choix professionnels et disciplinaires d’Yvonne. Hélène, présence attentive et tendre, quand il ne restera plus, selon le mot même d’Yvonne, qu’à faire face.


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